L’art de trouver des noeuds…

L’autre jour, en feuilletant le magazine Jobboom, je suis tombé sur un article qui annonçait la venue d’une espèce de festival de l’art engagé qui, au moment où j’écris cet article, s’est certainement déjà déroulé. En fait, vous y êtes peut-être allés, et avez apprécié.

Il y a en effet dans l’art engagé quelque chose qui se rapproche de l’expression d’une totalité socio-historique donnée, quelque chose qui a le pouvoir de pénétré les masses et d’actualiser leur subjectivités. Quelque chose d’indescriptible, qu’il faut étendre dans les ruelles à coups de brosse !

Bon, arrêtons tout de suite.Vous voyez bien que ce genre propos est bête comme mes pieds palmés. C’est pourtant une idée bien florissante chez  les individus les plus progressifs (que ce mot est creux, ne trouvez-vous pas ?)  de notre société ; une idée réactionnaire que je ne m’étonne plus d’entendre dans toutes les bouche.

Pour vous le dire honnêtement,je ne sais pas quel imbécile a forgé le terme « d’art engagé », mais je doute qu’il ait compris quoi que ce soit à l’art, ou même qu’il soit moins bête que cet autre imbécile qui s’est évertué à produire une ontologie de la révolte. Non pas au niveau de la recherche artistique (dont nous ne feront heureusement pas le procès ici) mais bien de la perspective en soi. Comme toute  pratique sociale, l’art est indissociable des rapports sociaux. Il n’y a donc pas d’art engagé, en opposition à un art désengagé.  L’art l’est naturellement, au même titre qu’aller à la boucherie ou fabriquer soi-même ses vêtements. Quand un artiste peint des amoureux dans un champ de fleurs, il s’abandonne aux clichés et aux conceptions de l’art bourgeois, et en fait de facto l’apologie. Quand Cézane peint ses oignons, il refuse d’affronter les contractions de classe qui l’habitent pour n’en faire qu’une aventure intérieure, esthético-métaphysique. Quand un sculpteur fabrique quelque chose en le soumettant à des impératifs spatiaux ou décoratifs, il entérine la représentation bourgeoise de l’art : l’art comme  source de valeur marchande.

L’art dit « engagé » est le lot des petits bourgeois qui ont mauvaise conscience, qui se cantonnent dans la critique pure et au combien incohérente (!), qui se cherchent une cause (le racisme, la pornographie, la pauvreté, « l’hypersexualisation » de la jeunesse, etc) ou sont tout simplement dans le creux d’une carrière déjà vide de pertinence et de continuité, qu’ils espèrent redorer par des bêtises. Méfiez-vous des artistes qui croient que leur œuvre a une quelconque valeur révolutionnaire ou progressive. Méfiez-vous des gens qui veulent changer les choses par leur profession (sociologues et travailleurs sociaux en premier!). Méfier-vous des prêtres de l’humanisme, de l’amour, de la liberté, du pacifisme, de la justice ; toute utilisation non critique de ces mots devrait être qualifiée de suspecte et son auteur, qualifiable d’élément militant en faveur de l’ordre bourgeois.

Finalement, petite vérité fondamentale : l’art et la littérature ne feront jamais la révolution. Enlevez-vous immédiatement cette idée baroque de vos cranes graisseux! L’art est simplement un catalyseur, qui n’a une force subversive qu’en présence de subjectivités préalablement radicalisées. Autrement, il n’est guère plus que la stérilisateur de révolte qu’en a fait la bourgeoisie, lui permettant de soulager ses contractions de classes par le contact prolongé avec une esthétique artistique et littéraire d’inspiration romantico-révolutionnaire. Pourquoi croyez-vous donc que les héros ou personnages de fictions qui sont marginaux, rebelles ou contre-normatifs soient si populaires dans la culture, et de tels personnages si absents de la réalité ?

Mais bon, l’art ça peut être intéressant pour toutes sortes de raisons. Ça changera juste pas le monde, tabarnak ; rentrez-vous ça dans tête !

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