Une iconographie consommée, irréelle et démentielle

Nous pourrions faire l’histoire du féminisme par les grandes figures féminines qui ont marqué la scène politique depuis l’avènement des démocraties libérales. Faire la preuve de la pleine capacité des femmes à remplir les exigences du rôle de politicienne et de l’importance de figures emblématiques dans la lutte vers l’émancipation renvoie à une version mensongère, appauvrissante, voire facétieuse de la conjoncture actuelle. Ce regard iconographique de l’histoire du féminisme porte en son propos trop souvent l’achèvement de la lutte des classes, de la dialectique historique. Elle prétend affirmer la preuve de l’établissement de l’émancipation dans l’expérience concrète de la pleine mobilité sociale des femmes. Cette vision nous la qualifions de bourgeoise et d’immanente de l’idéologie libérale. Nous l’accusons de porter préjudice au mouvement féministe; d’une mascarade violente et trompeuse de l’état des lieux, elle se sert du féminisme à des fins d’intérêts de classe ayant part au Capital.

Les icônes produits depuis la deuxième moitié du 20e siècle tente de jouer le substrat social, soit d’un plein de sens amassé par une expérience militante politique passée, venant remplir les vides démocratiques ambiants. Le vide démocratique nous le saisissons, ici, à partir des notions arendiennes livrées par ses fondements démocratiques, soit la culture citoyenne qui prend forme dans l’avènement et la garantie de la liberté et de l’égalité dans l’universalisme par les institutions démocratiques. Le terrorisme rampant, l’humanité qui se meurt dans les taudis, les favelas, les ghettos, le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, la violence masculine dominante nous fait réaliser l’échec des démocraties libérales dans les prétentions universalistes de son projet d’émancipation. La liberté et l’égalité sont toujours des privilèges d’une overclass qui a éjectée le prolétariat et qui a, par conséquent, grossi le prolétariat informel de survie. De sorte, le parlementarisme ne sert plus de lieu permettant la diffusion d’un discours à saveur anti-impérialiste, anticolonialiste, prolétarienne, féministe (un lieu qui a déjà servi par le passé les intérêts du prolétariat).

Le totalitarisme s’observe dans cette allégorie de la réussite politique des femmes au pouvoir. L’icône politique féminine joue ici un effet placebo sur les consciences collectives pour marquer symboliquement l’achèvement des luttes féministes. La vérité qui la condamne transcende dans les immenses misères et violences que subissent tous les jours nombre de femmes sur la planète. Le mur de la honte qui l’accompagne est cette réussite bourgeoise de l’émancipation. Rappelons que ce mensonge des démocraties libérales réussi à trouver son entendement grâce à ses outils promotionnels : les icônes politiques féminines.

Cette histoire iconographique du féminisme entre dans une logique de société consumériste où le sens porté par l’icône est consommé pour combler un besoin moral démocratique. Nous nous référons ici à une consommation des icônes à travers les médias sociaux, soit un sentiment de procuration comblée lorsqu’elles consomment des médias papiers, virtuels et cathodiques. Notre volonté de reproduire notre humanité se fait par l’action politique sur la scène publique, nous rappelle Hannah Arendt, et cette démarche se retrouve vidée de son contenu politique. D’ailleurs, ce besoin d’exister au monde par nos considérations morales trouve refuge et satisfaction dans l’acceptation d’une représentation factuelle et superficielle que comble ces icônes. Ces coquilles vides trouvent leur efficacité quand elles évoquent l’idée d’une essence humaine, soit d’un vécu politique. Ce travail d’historiographie par ces icones est aussi irréelle car elle réifie constamment une pensée schizophrénique de la réalité matérielle de l’humanité. Elle échoue à rendre compte de l’état des lieux sur lequel tente d’intervenir le mouvement féministe puisque la toute-puissance des structures reproductrices des conditions universelles inégalitaires et oppressives des rapports sociaux de genres sévit toujours en force. Elle véhicule la croyance en la libération des marchés comme moyen d’engendrer la libération des femmes. Ainsi, nous nous permettons de qualifier cette réalité de «démentielle» car elle démontre les composantes pathogènes des sociétés libérales (ses contradictions).

Ainsi, elle finit par dévier la lutte féministe vers sa mort médiatique et obscurcit un travail féministe toujours actif, concret et mobilisateur aux ambitions universalistes, en plus de contaminer les fondements du féminisme dans les imaginaires collectifs. Cette logique s’exprime au travers des discours, voire au travers des figures féminines médiatiques lorsqu’elles proclament la mort du féminisme. (Ce que nous entendons dans les discours de Denise Bombardier, sociologue et commentatrice politique, et Lise Ravary, directrice du Châtelaine, par exemple) Mais, nous scandons: Rappelons-nous! L’émancipation ne peut jaillir que par le collectif. La marche mondiale des femmes de 2010 le communique dans son slogan: Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous serons en marche! Nous précisons: Ce Nous, il est féministe, il est prolétaire, il est socialiste.

4 Réponses vers “Une iconographie consommée, irréelle et démentielle”

  1. L’ordre patriarcal a toujours permis à un groupe de quelques femmes de s’élever… pour soutenir l’ordre patriarcal. Et surtout, pour condamner les femmes qui tentent de s’émanciper.

  2. On est pas sorti du bois !

  3. Bakouchaïev Says:

    Le féminisme dans sa version radicale est plus difficile à récupérer (bien que tout est récupérable, en dehors du styrophone).

    Mais bon, pour la plupart des gens, être radicalE veut dire pêter une vitre, faire flamber une voiture de police ou même se mettre un anneau dans le nez. Bien des gens aux États-Unis croient qu’Obama est communiste. Quand on parle de l’importance de l’éducation populaire, ce n’est pas juste du poulet.

    Et bien sûr, pour une femme, être radicale signifie être une lesbienne avec du poil qui brûle sa brassière en regardant des reprises de chambre en ville (peut-être moins pour le dernier élément, mais c’était tellement bon!).

    • feministeenrage Says:

      Des femmes, il en a partout sur la terre, elles ne se retrouve pas dans une usine, dans un État-Nation, dans un espace donné. Elles sont éparpillées sur la planète à travers des classes économiques, de races et de sexualités différentes. Voilà toute la difficulté, passer de l’individuel au collectif, c’est pourquoi faire péter la notion d’universel c’est un putain de problème!

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