Sur l’économie étudiante. Du dégel et des prêts
Une des qualités du monde administré contemporain est d’être lisse. Il est parfois difficile d’en articuler une critique juste, parce que ses détails les plus offensants et les plus grossiers furent polis avec le temps. Les sources d’indignation et de révolte de jadis ont tranquillement rejoint le rang d’abstractions lointaines. Les revendications ouvrières, parfois exprimées férocement, furent soumises à un marchandage efficace : les travailleurs réclamaient tout un monde, on leur a donné tout un salaire. La critique s’est ainsi éteinte lentement avec l’expansion du parc automobile, et les experts s’entendent pour dire que ce qui mobilisait autrefois les masses ne sont plus que des luttes de détail, menées dans l’ombre par des groupes corporatifs spécialisés. On pouvait compter sur le pouvoir pour ne pas se laisser abattre pour si peu ; ce serait trop bête. Pour perdurer, la classe dirigeante raffine ses procédés : tout obstacle au pouvoir doit devenir lisse.
Pourtant, il est d’autres voix pour se plaindre, assez régulièrement, de ce que notre monde constitue une espèce de totalitarisme soft, un fascisme à visage humain, en ce qu’il a fait disparaître toute forme de résistance, de dissidence et de critique radicale – celle qui prend le mal à la racine. Les divergences ne sont plus que d’opinion, de choix consumériste, sans effet sur le cours des choses. Il n’est désormais plus possible de remettre en question le fait que chaque individu est obligé de mouler son horizon de possibilité sur le monde de l’échange des marchandises. En fait, il n’y a tout simplement aucune autre façon disponible d’organiser sa vie.
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