Coeur de bandit

Crime de crime. C’est exactement ce que je me dis lorsque je me cogne l’orteil sur le coin de mon lit. Beaucoup de gens ont un problème avec le crime – problème qui prend toute la forme d’une névrose, mais je reste courtois. Tout d’abord, ils ont une conception essentiellement bourgeoise du crime (atteinte à la propriété privée, aux libertés individuelles, à l’intégrité physique et morale de l’individu) et ensuite, ils rêvent bêtement en piliers de taverne d’un monde délivré de la violence (comprendre ici la violence des pauvres : vols, fraude, extorsion, crime organisé ; et non pas celle de l’État, des bourgeois des bandits du Service de police).

Mais ce n’est pas tout, mêmes les individus les plus contre-normatifs de notre société craignent la violence et le crime, et n’hésitent pas à la dénoncer. Mais peut-on leur reprocher d’avoir été aussi habilement conditionnés par notre culture répressive ? Oui et non. Oui, lorsque le « pacifisme » et la quête de la légalité (qui se comprend dans l’optique de la reconnaissance par les institutions bourgeoise) entrent en contradiction avec la perspective révolutionnaire. Il y a des gens assez bêtes pour croire qu’une révolution se fera d’une seul coup, portée par une foule en colère mais pas armée. Assez bête pour croire que pendant qu’ils feront la révolution, ils pourront continuer à travailler pour le capital, en attendant la collectivisation de la production, et qu’ils n’auront surtout pas à faire de hold-up dans les supermarchés pour se nourrir. Cette perspective – ma foi – bien populaire chez la p’tite gauche découle d’une incompréhension totale de la chose judiciaire, mais également de la guerre civile  (pas étonnant, je vous entends dire). Le crime pourrait se définir comme tout phénomène reconnu comme menaçant par et pour le système actuel, or si demain la guerre civile éclate… tous les éléments révolutionnaires vont automatiquement se retrouver dans la catégorie « criminels ». Mais que vont donc faire nos révolutionnaires de centre d’achat lorsqu’ils seront ainsi casés ? Oh, ça je l’ignore. Mais ils risquent d’avoir à considérer le crime différemment, parce que le crime, ce sera leur pratique. S’ils ne croient pas à mon baratin, bien qu’ils se rappellent qu’on a récemment inventé le terrorisme pour caser des pratiques ambigües et potentiellement subversives, que les syndicats ont déjà été interdits, tout comme la sodomie. Juste pour dire que les bourgeois n’ont pas peur de se salir les mains…

Abordons également une autre dimension de notre sujet : le crime comme génie des lieux. La majorité des bien-pensants honnit presque mécaniquement toute forme de crime, toute violence contre les bons citoyens (qui bizarrement, n’ont pas de problème à se procurer de l’argent). Comme si les pauvres allaient vraiment attendre la charité des gens qui ont des troubles avec leur conscience (appelons-les les Chrétiens) pour se sortir de leur merde! C’est alors que les pauvres décident de ruser contre le système. Parfois de façon barbare (hold up, cambriolages, extorsion), mais parfois de façon rusée (pickpocket, fraude, arnaques téléphoniques). Prenons également le cas de gens qui sont sur l’Aide sociale, et qui s’en sortent en vendant des pilules qu’ils se font prescrire sans trouble réel, en essayant d’avoir accès à des programmes pour gens remplissant diverses conditions familiales (un peu comme les bougons). Bref, que ces gens soient mal intentionnés ou non ; apolitiques ou quasi-apolitiques, il reste quelques certitudes : ces gens rusent contre le système, méprisent le droit et la peur du crime, conservent leur liberté et sont infiniment moins dépendants que toute la gang de nous-autres, qui acceptons le jeu bourgeois en travaillant pour vivre, sans trop s’en plaindre.

Mais qu’est-ce que les bien-pensants, bien-nantis et bien-éduqués bref, les gens « très-comme-il-le-faut », aiment à nous rétorquer, lorsqu’on prend la défense des criminels ? Ils disent approximativement ceci : Tsé, beubé, on vit ensemble, si tu n’acceptes pas les règles de cette société, tu es libre de ne pas y adhérer, me dit l’autre, adossé à un jeune chêne dont les feuilles tardent à subir la présence de l’automne, le foulard battant au vent.

Il faut bien un démagogue en herbes, tout droit sorti d’une faculté de philosophie défraîchie pour nous sortir une telle bêtise ; comme si le droit était de nature ou d’origine divine, et qu’il avait été accepté sur la base d’un consensus mutuel entre tous les habitants ! Non mais, t’en connais-tu d’autres, des sociétés, toé ? Des sociétés qui peuvent te fournir du pain, du loisir ou des voyages en Europe ? Non, mon ami, il n’y a qu’une société, dont toi et moi sommes absolument dépendants dans la production de nos moyens de subsistance comme de nos productions idéologiques, dont les lois sont produites par des hommes, êtres de chair, eux-mêmes appartenant à des groupes humains plus vastes (classes), et ayant leurs intérêts propres, antagonistes à ceux des autres groupements humains. Bizarrement, il semble que tous les propriétaires d’épicerie soient d’accord pour que l’on réprime dans la violence le vol de légumes et ce, même en période de disette. Coïncidence ? Non, aucune.

Respecter le droit revient à obéir aux diktats de la bourgeoisie. Ceux qui abhorrent le crime sont ceux qui n’ont pas intérêt à le voir se propager – sauf si ça leur rapporte, bien sûr. Les citoyens qui eux-aussi l’haïssent ne font  que redémontrer la force de l’idéologie dominante, dans la façon dont elle forme nos représentations, imaginaires et névroses.

Vive la ruse, vive la dignité! Les autres, restez au sec avec votre morale hétéronome, je ne vous veux pas dans mon bain.

2 Réponses vers “Coeur de bandit”

  1. j’avais war within a breath de rage against the machine qui jouait en même temps et c’était vraiment bon.

    il faut que quelque chose se passe…y’a tellement de chiasse dans le monde en ce moment… la guerre, des QI de plus en plus bas, obèsité, television mind control, politique de cash et de pouvoir, avec la livre de boeuf qui arète pas de monté on resté sur notre fais st’hivers…. bon j’me souvien pu trop c’est quoi la bonne expression…

    il pourait peut-être ce passer de quoi de mon coté en colombie-britanique, avec les jeux olympiques en 2012 et les amérindiens. y sont plus unis et serieux, sauf que j’en vois tellement déguisé en ganster et en yo, s’est triste….

    anyway m’a aller t’chèquer comment faire des molotovs. bon texte.

  2. Oui, bon texte. Mais malheureusement, fourrer le système équivaut à assumer une prochaine défaite. Le système a peut-être des failles, mais elles sont fissurées de temps en temps. Se mettre à découvert, c’est se mettre royalement dans le pétrin. Suivre le cour des choses, c’est accepter sa place dans ce bas-monde et ce n,est pas mieux. Mais quand même… il faut avoir du gots…

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